Choisir son psy

Un lundi après-midi chez l'épicier...

L'épicier : "Avant je n'ouvrais pas le lundi mais pour certains clients c'est plus pratique. C'est votre jour de repos?
Le psychologue démuni : - Disons qu'en ce moment, c'est plutôt calme question travail. Quel euphémisme!
L'épicier : - Parce que vous travaillez dans quoi?
Le psychologue démuni : En fait, je suis psy...
L'épicier : ... Ah! Et vous ne pouvez pas ouvrir un cabinet?
Le psychologue démuni : Disons que ça ne s'y prête pas en ce moment...
L'épicier : ... Ma fille, elle va voir une de vos collègues à Petaouchnok. Au village aussi y a des psys? Ah moins que ce ne soient des orthophonistes.
Le psychologue démuni : La prochaine fois, je dis que je vends des charentaises...
L'épicier : A mon époque, on n'allait tous mal mais personne ne voyait de psys, je ne sais pas ce que vous en pensez, vous.
Le psychologue démuni : Faut croire que les temps changent..." Mais les mentalités restent. 

A première vue, voilà une discussion banale qui s'installe entre un brave épicier et un non moins brave client, psychologue... Mais il s'agit surtout d'un témoignage du sentiment de confusion qui règne dans l'atmosphère pourtant chaleureuse du rayon fruits et légumes...

J'ai déjà écrit quelque chose sur la crise identitaire de notre métier... Ceci étant, rien n'indique lorsque l'on a un marteau que l'on ne peut pas s'en servir plusieurs fois.


Surtout qu'il y a de quoi faire. Ne nous plaignons pas outre mesure, après tout, on ne peut reprocher au grand public de se méprendre sur nos sacrosaintes missions si personne ne leur explique. Ou pire encore, si certains ajoutent encore du marasme à la confusion.


Parmi tous ces gens qui s'installent en cabinet, il y a ceux qui choisissent de se faire référencer sur Internet. Et les termes "choisir son psy", une fois googlisés, posent problèmes à mon humble avis.


Google rend hommage à Niki de Saint Phalle, ce qui explique les couleurs du logo en ce jour...
A "Choisir son psy", choisir son psychologue apparaît en deuxième, avant même psychiatre et la distinction genrée et l'éventuelle incidente consciente sur le transfert, tout ça.

En ajoutant un "espace" après "choisir son psy", on tombe sous le coup du site de référencement du même nom avec en premier lieu la distinction genrée puis les localités. Notons tout de même l'article du monde.fr (daté du 25 février 2011) qui apparait ensuite en 4ème position un fois la recherche effectuée.
Un article qui n'est d'ailleurs pas inutile pour se faire une idée complémentaire de la question. Et ce, bien qu'il apparaisse avant la loi protégeant le titre de psychothérapeute.
"[...] nombreuses et nombreux sont ceux qui errent dans un "parcours psy" avec des médecins ou des thérapeutes trop "variables"."

Après la loi, l'article n'a pas pris une ride, c'est ce que je vais chercher à démontrer avec le site choisir-son-psy.com qui en plus d'être une usine à gaz, n'a pas franchement vocation à renseigner les égarés qui s'y ruent par millions depuis 8 ans.

Page d'accueil. "Choisir son psy" "choisir son coach"... ça commence bien.

Je clique sur "choisir un psy"... Résultat : "chercher et trouver un psy ou un coach par critères"... Tout va bien. Le pluriel de "critères" a son importance.

"Recherche rapide", "recherche avancée"... Mon coeur balance.

Dans tous les critères, je vais essayer d'en donner quelques-uns, assez significatifs.

La localité, ok, c'est banal et logique. Passons. Pour faciliter l'orientation de la recherche, on m'invite à découvrir les professions de "psy" : psychologue, psychiatre, psychanalyste, psychothérapeute, psychopraticien, coach, sexologue, conseiller conjugal et familial, art-thérapeute. Rien que ça! Avec 15 conseils pour bien choisir. Bon, admettons.

"Le terme « psychopraticien » est un nom de métier qui succède à l’ancienne appellation « psychothérapeute » avant que celle-ci ne soit devenue un titre réservé. C’est un professionnel de l’accompagnement thérapeutique".

Ensuite, il y a le type de patients (si vous êtes "un nourrisson", par exemple), le type de séance, la langue pratiquée, le type de consultations (en live ou en ligne!)... On peut aussi cocher la case "en urgence, sous 24h". Intéressant.

C'est donc cela la recherche rapide... Pour les plus obsessionnels, il y a des options. J'en donne quelques-unes qui prêtent parfois à sourire :
"Le courant méthodologique de psychothérapie"... Après tout, pourquoi pas. Il y a les classiques : psychothérapie cognitivo-comportementale, psychanalyse, psychodrame, art-thérapie... Et puis il y a les plus acrobatiques, et la première dans la liste en l'occurrence : "Tipi : technique d'intégration des peurs inconscientes" développée par Luc Nicon. Il se trouve que cette technique fait partie de la liste éditée par le Guide de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires. P177.

On continue?

D'autres méthodes encore peuvent faire l'objet d'une recherche ; "sophia-analyse", "psychosynthèse" ou ma préférée : "végétothérapie caractéro analytique"... Discipline créée par le psychanalyste Wilhelm Reich, certes, mais qui n'en reste pas moins saugrenue pour les personnes peu initiées.

"La spécialisation dans les problématiques" A la limite, pourquoi pas. "Problématiques liées à l'argent" arrive en premier. Pas sûr que de consulter un "psy" régulièrement ne règle le problème... Surtout à 3 séances par semaine... A mon avis, il vaut mieux aller voir un banquier ou un avocat.
Ensuite, il y a aussi "les problématiques" du sommeil, des psychotraumatismes, du contrôle du corps, des addictions, de l'anxiété etc. et enfin les troubles de la personnalité (avec tout mélangé dedans ; paranoïaque, histrionique, antisociale, etc.)

Après on peut encore moduler la légitimité du praticien avec sa qualification professionnelle, son adhésion à des groupes professionnels ; association, fédération, ses diplômes, ses courants, sa pratique de la supervision, ou non, son type de coaching... Encore une bonne centaine d'items à cocher ou non.

Avec tout ça, on trouve forcément la perle rare. On a construit une sorte d'avatar psy idéal, comme dans un jeu d'Heroïc Fantasy.
"Votre troll, vous le voulez avec ou sans la hache?"

Pour voir, je lance donc une recherche avec seulement la localité. "Paris", plus de 2 millions d'habitants.  194 professionnels. Vaste choix.
Et misère! C'est bien ce que je craignais. Beaucoup sont "psychopraticiens", c'est-à-dire sans reconnaissance et sans encadrement. Je trouve notamment un certain Monsieur "Cancer Empowerment" basé sur Caen (ma recherche étant portée sur Paris...). L'odeur de l'arnaque à plein nez.

Juste à titre d'exemple, on trouve aussi dans cette base de données un certain "philanalyste", le même qui fut condamné en 2009 pour escroquerie par la cour d'appel de Montpellier.

Alors quand je vois ça... Je pense un peu comme Batman.




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